L’asperge, un légume bien vivace

L’asperge, un légume bien vivace

Chaque printemps, l’asperge lance une nouvelle saison de plaisirs épicuriens. Son caractère vivace et sa longévité – qui la distinguent des autres plantes potagères – compensent largement la courte durée de sa récolte hâtive. Certains jardiniers conservent leurs plants pendant plus de 40 ans! Pour réussir la culture de l’asperge (Asparagus officinalis) , il faut d’abord lui assigner un site de plantation adéquat. Le potager convient peu en raison du système racinaire profond et permanent de la plante qui fait obstacle aux travaux de labourage saisonniers. Si vous ne cultivez que quelques plants – deux ou trois suffisent pour une famille moyenne – privilégiez tout autre site, voire la plate-bande fleurie : en arrière-plan, ses tiges hautes de 1, 5 m et son «feuillage» vert délicat et aéré donnent du volume et une texture visuelle attrayante. Si vous désirez en cultiver plusieurs dizaines, mieux vaut aménager votre propre aspergeraie ou encore partager un carré du potager avec la rhubarbe, un autre légume vivace . La forme importe peu, pourvu que l’espace soit assez grand.

L’asperge préfère le plein soleil mais s’accommode d’une ombre légère. Plantez-la au nord de tout autre légume pour éviter qu’elle leur fasse ombrage. En raison de ses longues racines, elle pousse mieux dans un terreau au ph neutre (entre 6, 5 et 7, 5) labouré sur 40 cm de profondeur et enrichi d’une large part de compost ou de fumier bien décomposé. Un bon drainage s’avère essentiel : si votre jardin est situé dans une dépression ou si le sol est argileux, surélevez la zone de plantation.

L’asperge est peu sensible aux attaques d’insectes et de maladies, mais la pourriture du collet peut survenir dans un sol mal drainé ou excessivement acide . La plante pourrit alors à la base. La meilleure solution consiste à surélever la zone de plantation et à corriger le ph du sol tous les deux ou trois ans. En outre, on peut éloigner les pucerons et les criocères (celles de l’asperge et celles à douze points) en vaporisant un savon insecticide tous les trois jours, au besoin.

La culture

On cultive l’asperge à partir de semences ou de jeunes plants en dormance appelés griffes. Les graines sont peu dispendieuses et leur taux de germination élevé : chaque sachet donne environ 100 plants. Faites-les tremper dans l’eau tiède pendant 48 heures, puis semez tôt au printemps à une profondeur de 4 cm, à l’intérieur ou en pleine terre : la germination est lente et sporadique (entre 10 et 24 jours) . À l’automne, les semis sont suffisamment gros pour être repiqués à leur emplacement définitif. Accordez-leur une pleine année de croissance avant d’effectuer une modeste première cueillette et patientez jusqu’à la quatrième année pour la vraie récolte.

La plupart des jardiniers préfèrent planter des griffes. Elles sont offertes en jardinerie et par catalogue, habituellement au printemps. La qualité des plants produits et une récolte plus hâtive, dès le printemps suivant la plantation, compensent amplement leur prix plus élevé.

Creusez des trous individuels ou une tranchée (en fonction du nombre de plants dont vous disposez) de 30 cm de profondeur. Formez une petite butte de terre d’environ 10 à 12 cm de hauteur au centre et placez la griffe de façon à ce que les racines soient dirigées tout autour de la butte. La pointe de la griffe doit se situer à plus ou moins 15 cm de profondeur. Ne comblez pas le trou ou la tranchée immédiatement : ajoutez d’abord suffisamment de terre pour recouvrir la pointe de 3 à 5 cm. Par la suite, vous comblerez graduellement le trou à mesure que les turions monteront. Dans un rang, espacez les plants de 30 à 45 cm. Laissez autant d’espace entre les rangs pour la culture en carrés et jusqu’à 75 cm pour celle en rangs.

Vertes, violettes ou blanches?

Les catalogues proposent un vaste choix d’asperges. Les variétés plus anciennes à pollinisation ouverte, comme ‘Mary Washington’et ‘Martha Washington’, sont encore offertes, mais sont moins productives et résistantes que les hybrides modernes. ‘Guelph Millennium’ (ou ‘Millenium’) , développé à l’Université de Guelph en Ontario, est actuellement l’hybride mâle considéré comme le plus rustique (zone 3 sans protection) et aussi le plus résistant aux maladies. Il remplace ‘Viking’ (ou ‘Viking KB-3′) , une autre lignée canadienne mais à pollinisation ouverte, donc avec plus de plants femelles à supprimer. Les lignées hybrides mâles américaines comme ‘Jersey Giant’, ‘Jersey Knight’, ‘Jersey King’et ‘Supermale’sont très productives mais moins rustiques (zone 5) , bien qu’elles puissent survivre en zone 3 sous une bonne couche de neige.

Il existe des variétés à turions violets, comme ‘Purple Passion’et ‘Purple Jumbo’. Toutes deux sont des lignées hybrides mâles performantes et rustiques jusqu’en zone 5 (zone 3 sous une bonne couche de neige) . Malheureusement, la coloration violet foncé tend à disparaître à la cuisson.

Les Européens préfèrent les asperges blanches : elles auraient selon eux meilleur goût et seraient plus tendres, mais il n’existe pas de variétés d’asperges blanches. Pour en obtenir, il suffit de priver les turions de lumière, soit en buttant les plants avec de la terre au printemps, soit en les recouvrant d’une cloche ou d’un tunnel opaque. Cette protection doit être retirée après la récolte, car sans lumière aucune, les plants mourront.

Entretien saisonnier

Le port léger et vaporeux des asperges permet aux rayons du soleil de pénétrer jusqu’à la base des tiges, favorisant la croissance des mauvaises herbes . On doit les arracher manuellement puisque le sarclage endommage facilement les racines. Pour s’éviter la corvée, mieux vaut couvrir le sol de 8 à 10 cm de paillis . Pour plus d’efficacité, ne laissez aucun espace libre autour de chaque plant. Le compost, le fumier bien décomposé ou les feuilles déchiquetées constituent d’excellents paillis, riches en minéraux dont l’asperge est friande. Un paillis moins nutritif (aiguilles de pin, écorce de conifère, etc.) oblige à fertiliser trois fois par année – au printemps (avant la récolte) , au milieu de l’été et au début de l’automne – avec un engrais biologique à libération lente plus riche en azote qu’en phosphore et en potassium. Bien que l’asperge tolère la sécheresse, elle demeure plus productive dans un sol légèrement humide : des arrosages par temps sec et chaud lui sont bénéfiques.

Pour des turions plus hâtifs, retirez le paillis à la fonte des neiges afin que le sol se réchauffe plus rapidement puis remettez-le en place une fois les turions sortis de terre ; ajoutez-en si nécessaire pour maintenir la couche à l’épaisseur voulue. Ce paillis de base suffira à protéger les asperges de zones 3 et 4 des dommages causés par le gel et le dégel durant l’hiver, surtout là où la neige est peu abondante. Pour ceux qui souhaitent cultiver des asperges de zone 5 en zone 3 ou 4, il serait sage d’appliquer à l’automne une couche additionnelle de 15 cm de paillis très léger, comme la paille, ou encore de couvrir les plants ou les rangs de géotextile plastifié.

Comment choisir des plants?

Les asperges femelles sont moins productives que les asperges mâles et vivent moins longtemps. De plus, elles produisent des semis spontanés et peuvent devenir envahissantes. La plupart des lignées hybrides, appelées «hybrides mâles», produisent plus de mâles que de femelles, tandis que celles à pollinisation ouverte ont un ratio plus près de 50/50. Ceci est aussi vrai pour les griffes : même si elles proviennent d’un «hybride mâle», la probabilité d’obtenir un plant femelle existe. La seule façon de les différencier les uns des autres est d’attendre l’apparition de baies en été, ce qui identifie les plants femelles que vous pouvez alors arracher.

La récolte

La cueillette commence au milieu du printemps et se poursuit pendant 4 à 8 semaines, jusqu’au début de l’été. La première année, ne prélevez que trois ou quatre turions pour permettre à la plante de se fortifier. Les années suivantes, récoltez ceux qui mesurent plus de 1, 5 cm de diamètre et laissez pousser les autres. Rabattez les plants au sol à l’automne ou au début du printemps pour rendre les nouveaux turions plus accessibles et donner à l’aspergeraie une apparence de propreté.

On récolte les turions lorsqu’ils atteignent une hauteur de 15 à 20 cm et que les bourgeons sont encore bien fermés. Pour les prélever, tenez le turion dans une main et coupez-le à environ 2 cm sous le sol avec un couteau tranchant ou un arrache-pissenlit bien aiguisé. Au moment de les consommer, cassez la base des tiges pour ne garder que la partie comestible.

Meilleure quand elle est fraîche, l’asperge peut aussi être conservée au réfrigérateur pendant quelques semaines. Plongez la base des turions dans 3 à 5 cm d’eau froide. Après les avoir drainés, entreposez-les debout, emballés dans du plastique, dans la partie la plus froide du frigo. On peut aussi les conserver au frais sans les emballer, debout dans quelques centimètres d’eau. Blanchissez et congelez tout surplus.

Une deuxième récolte

Une récolte estivale est possible si vous avez beaucoup de plants. Choisissez-en un ou deux particulièrement vigoureux dont vous ne prélèverez aucun turion au printemps. Puis, au début de juillet, rabattez la plante au sol. Elle produira alors des dizaines de turions épais. Cessez la cueillette lorsqu’ils mesurent moins de 1, 5 cm de diamètre. Une asperge en santé fournira une récolte estivale pendant une décennie ou plus. Au moindre signe d’essoufflement, ne prélevez que la production printanière.